Un requérant peu philosophe

Qui a dit que l’école buissonnière était le fait exclusif des mauvais élèves ? Qui soutiendrait aujourd’hui qu’elle n’est pas aussi du ressort de certains professeurs aux principes amollis ?


Ce que beaucoup d’entre nous, étudiants et parents d’élèves, remarquions depuis longtemps vient enfin d’être publiquement et médiatiquement constaté par le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, qui, par un jugement du 16 juin dernier a reconnu, dans l’absentéisme notoire d’un professeur de philosophie d’une classe de Terminale, ainsi que dans son « manque de rigueur » et ses « carences pédagogiques », la faute de service de l’administration, faute donnant droit pour le requérant – jeune neveu de Michel Charasse – à indemnisation.  Le préjudice de ce dernier était tiré du refus opposé par l’IEP de Paris à son admission sans concours, ouverte normalement aux titulaires d’un Baccalauréat avec mention Très Bien, mais exclue pour qui n’a eu que 6 à l’épreuve de philosophie.


D’aucuns applaudiront une telle décision. Espérons seulement que son sort ne soit pas celui des oubliettes de la jurisprudence administrative, et qu’un tel jugement soit le coup d’envoi d’une longue série de semonces moralisatrices qui feront percevoir à certains le poids impérieux de leur office… Et s’il n’y a que le juge pour cela, et bien place au juge !


Dans ce contexte de redressement des mœurs relâchées de l’éducation nationale, le requérant se verrait nécessairement attribuer une place importante. Relais indispensables du juge, les étudiants, élèves et écoliers seraient alors investis d’une mission nouvelle, aux contours délicieusement révolutionnaires : constater, vérifier, contrôler les professeurs dans l’accomplissement de leurs devoirs. A l’école commenceraient alors de douces réjouissances : le matin, les professeurs en rangs d’oignons, répondraient à l’appel ; un cours d’une qualité médiocre donnerait lieu à un Zéro Pointé ; absences et retards devraient être justifiés sur un carnet de correspondance ; un conseil de discipline étudiant statuerait sur le sort de certains enseignants aux mœurs effrontées, dont les plus retors auraient passé, au préalable, quelques samedis en colle ; et pour les plus mauvais pédagogues, serait réhabilitée la pratique du bonnet d’âne… Nous en aurions des troupeaux, croyez moi. Tout au moins dans un premier temps. Ainsi ferions-nous comprendre aux uns et aux autres, avec justesse et réciprocité, les vertus de la rigueur et de la discipline…


De telles mutineries, aux mises en scène oniriques, eussent certainement fait les délices de Prévert.