Antennes relais : l'ANFr prend position ...

Dans le contentieux opposant les riverains d'antennes de téléphonie mobile aux opérateurs, ceux-ci subissent depuis peu de nombreux revers de la part des juridictions judiciaires françaises. La juridiction administrative, en revanche, est beaucoup plus clémente à leur égard et n'a jamais, à ce jour, prononcé l'annulation d'un acte administratif dans ce domaine. 

Dans ce contexte, les opérateurs de téléphonie mobile ont réorienté leur stratégie : ils mettent désormais en cause la compétence des juridictions judiciaires. Cela au motif principalement que le juge judiciaire ne saurait s'immiscer dans un contentieux concernant l'occupation du domaine public hertzien, lequel relèverait, par détermination de la loi, de la compétence de la juridiction administrative. 

Les opérateurs mettent ainsi en avant la licence d'exploitation de certaines bandes de fréquences qui leur a été concédée par l'ARCEP. 

Cette licence à une portée nationale. 

Au plan local, les opérateurs s'en remettent à la décision de l'Agence Nationale des Fréquences (ANFr), qui, selon eux, leur donnerait l'autorisation d'implanter une antenne sur un site géographique précis, le choix de ce site n'étant dès lors pas contestable devant le juge judiciaire. 

Certaines juridictions françaises se sont malheureusement laissées convaincre par cet argumentaire et se sont déclarées incompétentes au profit de la juridiction administrative. 

Nous avons alors écrit à l'ANFr pour lui demander quel était la portée réelle de sa décision. 

Sa réponse est très claire : "L'ANFR n'intervient pas sur le choix de l'implantation géographique des stations. Ce choix relève directement de l'opérateur exploitant l'installation". 

Nous mettons cette lettre à la disposition de tous.

 

Lettre ANFr.pdf
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... et la Cour d'Appel de Rennes confirme la compétence de la juridiction judiciaire

La Cour d'Appel de RENNES, dans un arrêt du 1er février 2011, confirme la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la demande d'un collectif de riverains, fondée sur la théorie des troubles anormaux de voisinage, tendant à voir une antenne de l'opérateur ORANGE déplacée vers un site moins urbanisé de la commune de St Philibert. 

Elle le fait en ces termes : 

"L’article L2331-1 dispose que sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelque soit leur forme ou leur dénomination, accordés ou conclus par les personnes 

publiques ou leurs concessionnaires. 

Cependant l’association CAROSS est étrangère aux contrats et autorisations d’occupation du domaine public délivrés à la société Orange France, elle ne les remet pas en cause, ni ne conteste leur légalité, mais fait seulement valoir que l’activité exercée en vertu de ces autorisations, qui ont été accordées sous réserve du droit des tiers, lui occasionne un trouble anormal. 

Un tel litige ne relève donc pas du champ d’application de  l’article L 2331-1 du cgppp. 

De plus la demande qui tend simplement à voir démanteler une antenne-relais implantée dans un endroit fortement urbanisé pour la voir déplacer vers un autre lieu de la même commune, n’est pas de nature à priver d’effet, sur une partie du territoire couverte par cette station, les autorisations administratives obtenues par la société Orange France pour l’utilisation du domaine public herztien, mais seulement à voir ordonner des aménagements  propres à éviter la survenance de troubles anormaux de voisinage. 

L’implantation de l’antenne-relais dans le stade de la commune de Saint Philibert n’a pas été prescrite par les autorités compétentes, ou la commune, mais choisie par la société ORANGE France, le conseil municipal s’étant borné à accepter ce lieu d’installation, de sorte que le déplacement de cette implantation ne saurait constituer une atteinte à une autorisation administrative". 

 

Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de la part de la société ORANGE France. La Cour de Cassation ne s'est pas encore prononcée. 

CA RENNES 01.02.11.pdf
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... mais le Tribunal des Conflits n'est pas de cet avis

Le Tribunal des Conflits est l'une de nos juridictions suprêmes. Présidé par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et composée de conseillers d'Etat et de conseillers à la Cour de Cassation, il est chargé de trancher les conflits d'attribution et de décision entre les deux ordres de juridiction, judiciaire et administratif.

 

Saisi sur renvoi de la Cour de Cassation, le Tribunal des Conflits, dans un arrêt du 14 mai 2012, a jugé que : 

 

1) Le juge administratif est compétent pour connaître de l'action, quel que soit son fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages;

 

2) Le juge judiciaire est compétent, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle au juge administratif de la compétence duquel relèvent les litiges relatifs à la police spéciale des communications électroniques, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public, ainsi que des actions aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables.

 

Ainsi, les conflits portant sur l'emplacement des antennes relais devront désormais être portés devant la juridiction administrative, moins disposée jusqu'à présent à faire droit aux demandes des riverains.

 

Une disposition, cependant, du code des postes et communications électroniques a été insuffisamment exploitée dans le cadre des contentieux portés devant cette juridiction. Il s'agit de l'article D.98-6-1, qui pose le principe de la mutualisation des équipements radioélectriques entre tous les opérateurs téléphoniques, chaque fois que cela est possible :

 

« I. - Les opérateurs s'assurent qu'est mise à la disposition du public une liste actualisée d'implantation de leurs sites radioélectriques.

II. - L'opérateur fait en sorte, dans la mesure du possible, de partager les sites radioélectriques avec les autres utilisateurs de ces sites.

Lorsque l'opérateur envisage d'établir un site ou un pylône et sous réserve de faisabilité technique, il doit à la fois :

- privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant ;

- veiller à ce que les conditions d'établissement de chacun des sites ou pylônes rendent possible, sur ces mêmes sites et sous réserve de compatibilité technique, l'accueil ultérieur d'infrastructures d'autres opérateurs ;

- répondre aux demandes raisonnables de partage de ses sites ou pylônes émanant d'autres opérateurs. »