Energie nucléaire et démantèlement des centrales françaises : le fiasco de Brennilis

Historique de la centrale nucléaire de Brennilis

 

Entre 1962 et 1967, un prototype de centrale nucléaire d’une puissance de 70 MW, avec un réacteur nucléaire modéré à l’eau lourde et refroidi au gaz carbonique (HWGCR), a été construite à Brennilis par le CEA.

En 1971, les choix gouvernementaux portant sur la filière à eau pressurisée (technologie américaine) mettent fin au caractère expérimental de la centrale de Brennilis.

En 1985, le réacteur est arrêté définitivement. Entre 1967 et 1985, la centrale a été exploitée conjointement par EDF et le CEA, pour produire 6,235 milliards de kilowattheure, pendant 106 000 heures de fonctionnement.

 

La première phase du démantèlement est lancée dès 1985, par la décharge du combustible nucléaire, la vidange des circuits, et la mise à l’arrêt définitif.

 

Il s'agit de la première centrale nucléaire française à faire l'objet d'un démantèlement. 

 

En 1995 se tient l’enquête publique en vue de la phase 2 du démantèlement.

 

Sous la pression d’une campagne réclamant le "retour à l’herbe" par Jean-Yves Cozan, responsable du Parc naturel régional d’Armorique, il est décidé un démantèlement total de l’installation de Brennilis. La phase 2 a démarré en 1997,par la décontamination et le démontage des bâtiments hors réacteur, l'évacuation des déchets nucléaires, et le confinement du bâtiment réacteur.

 

Dans la nuit du 12 au 13 décembre 2000, une montée de la nappe phréatique provoque une innondation dans la station de traitement des effluents. En janvier 2001, la centrale a connu le départ d’un feu dans un joint inter bâtiment.

 

En 2005, la phase 2 étant pratiquement terminée, il reste les travaux de la phase 3 qui se situent dans l’enceinte du réacteur :

- démantèlement des échangeurs thermiques

- démantèlement du bloc réacteur

- destruction du bâtiment du réacteur nucléaire

 

Cette phase 3 génère un nouveau type de déchets issus du démantèlement et assez fortement actifs (dits FMA vie longue). Le stockage de ces déchets n’est pas encore conçu et le débat parlementaire sur les déchets nucléaires n’a pas eu lieu. D’autre part, la phase 3 présente des risques importants pour les travailleurs, d’autant plus que l’activité du réacteur est importante. C’est pourquoi certains experts préconisent d’attendre la décroissance de la radioactivité résiduelle de la cuve et des internes du réacteur pendant encore au moins 40 ans.

 

Le coût du démantèlement de la centrale de Brennilis est actuellement évalué à482 millions d’euros. Selon un rapport de la Cour des Comptes, cette facture du démantèlement est cinq fois supérieure aux prévisions initiales.

 

Malgré les risques présentés par ce projet de démantèlement, EDF fait le choix d’un scénario de démantèlement dit "immédiat" (18 ans) à la place du démantèlement sur une longue période (40 ans) prévu à l’origine. En procédant de cette façon au démantèlement du petit réacteur de Brennilis (70MW), EDF veut accréditer l'idée qu’il serait tout aussi rapide et "facile" de démanteler les réacteurs actuels, qui sont beaucoup plus gros (34 réacteurs de 900 MW, 20 de 1300 MW, 4 de 1450 MW).

Le décret du 9 février 2006 vient alors autoriser le démantèlement complet du réacteur, sans aucune enquête publique préalable

 

Le Conseil d'Etat annule le décret du 9 février 2006

 

Saisi par le Réseau "Sortir du nucléaire", le Conseil d'Etat, par un arrêt en date du 6 juin 2007, a annulé le décret du 9 février 2006 qui autorisait EDF à procéder au opérations de démantèlement complet de la centrale nucléaire des Monts d'Arrée, à Brennilis, au motif que cette décision n'avait pas été précédée d'une enquête publique

 

Peu après, un rapport de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) avait accablé EDF sur la gestion du démantèlement (sous-évaluation de la radioactivité, non conformité des déchets…).

 

L'enquête publique et l'avis défavorable de la commission d'enquête

 

Les travaux de démantèlement ont donc été arrêtés et une commission d'enquête, de trois personnes, a alors été désignée par le Tribunal Administratif. Une enquête publique a été organisée entre le 5 octobre et le 5 novembre 2009

 

Après l'étude du dossier, plusieurs réunions publiques et divers entretiens privés, la commission d'enquête a déposé son rapport le 15 mars 2010

Les trois membres de la commission ont émis un avis défavorable, à l'unanimité, sur le projet de démantèlement accéléré de la centrale, tel que voulu par EDF. 

 

La commission d’enquête a estimé que l’urgence de démanteler le bloc réacteur n'était pas démontrée, actuellement confiné dans l’enceinte réacteur largement au-dessus de la nappe phréatique, et que ce démantèlement était prématuré en l’absence d’installations pouvant accueillir les déchets.

 

De même, la commission d’enquête n'a pas estimé que l’option retenue du démantèlement immédiat soit la meilleure tant sur le plan de la sécurité des travailleurs que sur celui de la protection de l’environnement. Elle a souligné que le centre du Bugey, dans l’Ain, destiné à recevoir les déchets issus du démantèlement, n’était pas encore autorisé et ne serait pas opérationnel avant 2014. Les membres de la commission ont ainsi relevé le risque de voir des déchets entreposés dans le sous-sol de l’enceinte réacteur.

 

Une autorisation de démantèlement partiel, incluant les échangeurs de chaleur

 

Malgré l'avis et les recommandations émis par la Commission d'enquête, le décret n° 2011-886 du 27 juillet 2011 autorise EDF, antre autres choses, à procéder au démantèlement des échangeurs de chaleur, situés dans l’enceinte du réacteur et donc relevant du niveau 3 de démantèlement. En effet, les échangeurs étaient exclus des travaux de démantèlement niveau 2 par le décret initial n°96-968 du 31 octobre 1996.

 

Or ces opérations n'ont pas été admises par la Commission d'enquêtequi recommandait de limiter le démantèlement aux opérations autorisées par le décret initial de 1996, notamment celui de la Station de Traitement des Effluents, mais restées inachevées en raison des difficultés radiologiques rencontrées.

 

Sept associations locales ont donc déposé, le 28 septembre 2011, un nouveau recours devant le Conseil d'Etat aux fins de voir annuler le décret du 27 juillet 2011. 

 

Le 1er mars 2013, le Conseil d’Etat a rejeté ce recours, considérant que l'enquête publique organisée fin 2009 suffisait à respecter les dispositions de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 et de la Directive 85/337 du 25 juin 1985, et que la saisine de la Commission nationale du débat public, au sens des dispositions de l'article L.121-8 du code de l'environnement français, n'était pas nécessaire. 

Conseil d'Etat 01.03.13.pdf
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